Qu’est ce que les Digital Natives vont entraîner comme changements en profondeur dans l’entreprise et la société ?
Quels nouveaux modèles de management sont en train d’émerger ?
« Cette fille a du chien et du panache.
Dans les années à venir, on ne va pas manquer de la citer,
elle va faire parler d’elle ! » La tribune
Emmanuelle Duez, à moins de 30 ans, a déjà cofondé deux organisations et dirige le programme de Happy Happening « Fabrique à héroïnes ». Son credo ? Dépoussiérer le féminisme et s’adresser à la génération Y. Elle se veut leur porte-parole, elle connaît naturellement leur langage, c’est le sien ; celui d’une génération qui refuse le fatalisme et désire associer bien-être et bien-vivre que ce soit sur un plan personnel que professionnel.
Son parcours est atypique, pour le moins énergique. Après Sciences Po et l’Essec, elle a parfait sa formation en Italie à l’université Bocconi à Milan. Elle parle aussi bien l’anglais que l’espagnol et l’italien et possède des notions de mandarin. Membre de multiples organisations (ambassadrice pour la France de One Young World notamment), elle a cofondé et préside l’association WoMen’Up et a surtout créé The Boson Project qu’elle a lancé en 2012 et qui se veut être un laboratoire de développement du capital humain.
Emmanuelle Duez est également réserviste d’une enseigne de vaisseau 1ère classe de la Marine nationale. En clair, elle est une bénévole citoyenne qui a choisi de servir en faisant bénéficier l’armée de son expertise et de sa connaissance du tissu socio-économique local.
Le clip de la soirée
La conférence intégrale
The Boson Project
Emmanuelle Duez aide les grandes entreprises françaises à comprendre la génération Y. Elle a créé pour cela The Boson Project. Partons sur les traces de celle qui défriche le monde de l’entreprise pour les convertir aux nouvelles exigences du « Good Job ».Comment définir la génération Y ?Tout d’abord, on aurait tort de penser que la « génération Y » se réduit à une tranche d’âge. Il s’agit plus d’une culture que d’une génération, un certain comportement vis-à-vis de la société et des entreprises. Je dirais qu’elle se définit surtout par un contexte et des outils. Le contexte d’abord parce qu’elle a affaire à la refonte d’un certains nombres de grands modèles : capitalistes, environnementaux etc. Ensuite c’est une génération qui a dans ses mains un nouvel outil : le digital. Les générations qui arrivent sont de culture « digital native ».Quels sont les idéaux de cette culture digitale ?Cette génération ne carbure plus aux mêmes aspirations ! Elle est symptomatique d’un phénomène de mutation qui la dépasse largement. La jeune génération est le fruit d’un monde devenu transversal, précaire, interconnecté et fluide. Elle se heurte à une logique très différente au sein des entreprises, qui sont en pleine collision entre l’ancien monde et le nouveau. L’époque où le gros mangeait le petit est remplacée par une époque où l’agile mange le lent.Quelles valeurs définissent ce nouveau monde ?Il se définit par plusieurs valeurs, notamment la transparence : par exemple, comment sont rémunérés les leaders. Le modèle de rémunération est vecteur de sens pour des salariés, qui ne se contentent plus d’avoir un contrat de travail mais veulent comprendre et jouer leur rôle dans l’entreprise. La fluidité permet d’implémenter des idées rapidement, avant qu’elles ne périment ! La transversalité, ou « cross-fertilization », qui est le fruit d’un monde qui se heurte à la diversité des compétences : on ne peut plus rester dans une case toute sa vie, il y a une remise en cause de l’obsolescence des compétences qui passe par la transformation de l’entreprise en lieu d’apprentissage. Et puis le côté « flat », une pyramide moins aigüe. La hiérarchie alourdit la structure, il faut intégrer plus de collaboratif, et non du collectif ! Le collectif c’est 1+1 égal 2 quand pour le collaboratif 1+1 doivent faire 3. Nous sommes entrés dans une logique plus individualiste.Cette nouvelle culture est-elle perçue comme un danger par les entreprises ?Cette culture n’est pas un « problème » mais les entreprises sont conscientes qu’elles doivent adapter leur structure. Nous intervenons principalement sur deux demandes de leur part. La première concerne la problématique d’attraction et de rétention des talents de cette génération. Et puis les cadres dirigeants viennent également nous voir car ils ont conscience de ne pas avoir la bonne grille de lecture de ce nouveau monde digital. Les entreprises savent que cette culture est une fenêtre sur le nouveau monde numérique, un levier de transformation.Qui sont ces entreprises qui viennent vous voir ?Les premières à s’être posé la question sont les entreprises d’audit et de conseil, de par la composition de leur corps social. Et puis les entreprises dont le métier est en lien avec la révolution digitale, comme la banque. Le secteur bancaire a été confronté à une réinvention totale de ses métiers et doit faire appel à des « digital natives » de cette nouvelle culture digitale, extérieurs à sa pyramide.Concrètement, que faites-vous pour ces entreprises ?Cela passe concrètement par la mise en place de pépinières internes pour développer l’« intrapreneuriat ». Il s’agit de fonctionner comme des entrepreneurs, mais au sein de l’entreprise ! Nous mettons en place des incubateurs internes pour permettre aux jeunes collaborateurs d’avoir des idées et de les implémenter dans leur entreprise. Nous revoyons les modes de formation en créant des académies internes, avec la conviction que ce que l’on sait ne vaut que pour 3 ans maximum. Il faut casser la structure en silo et créer une émulation apprenante permanente. Et puis cela passe enfin par des modalités de reconnaissance en instaurant des critères d’évaluation des managers par leurs collaborateurs. Le manager, pour être reconnu, ne doit pas tenir son leadership de son ancienneté mais de sa valeur.Est-ce que cette génération a une influence sur ses aînés ?Bien sûr ! Cette culture infuse dans les entreprises. Les « baby-boomers » sont très « Y » dans leur façon de fonctionner. La plupart des aspirations de la génération Y ont été portées par les X et les baby-boomers : mais la génération Y les revendique haut et fort car à la différence de ses aînés, elle n’a rien à perdre. Elle remet en cause le système de façon massive, et devient un enjeu RH.Quel est le « Good Job » de cette génération ?Pour cette culture, il n’existe pas de clivage net entre la vie personnelle et la vie professionnelle. Ils ont une vision court-termiste, aspirent à des trajectoires très transversales. Ils veulent être entrepreneurs de leur propre vie et avoir 15 vies en une! Le bonheur professionnel viendra moins de l’escalade des échelons de la pyramide que de la diversité de leur trajectoire, c’est ce qui les inspire ! Cela entraine un changement du rapport de force avec les entreprises, ce qui est paradoxal dans un contexte de crise.Le mot de la fin :Faites confiance à la jeunesse dans vos organisations, elle porte en elle les fondements de l’entreprise de demain.