Questions à Jean-François Noubel
Les questions ont été nombreuses, et le temps assez court. Voici les réponses de Jean-François Noubel à quelques autres questions :
1/ Comment concrètement évoluer d’une structure pyramidale à une structure holomidale ?
Il ne faut pas tenter de transformer ou tuer l’organisation pyramidale. Il faut procéder par étape :
1. Reconstruire une vision (mythe) et une direction pour l’entreprise, fondée sur le sens, et non la fonctionnalité et la performance. L’entreprise doit avant tout porter un projet d’humanité.
2. Recruter et accompagner un groupe pionnier qui va créer une startup et opérer dans l’économie de demain, en processus d’innovation radicale et agile. Du fait de la vision, cela attire naturellement les bonnes personnes et crée les bonnes rencontres.
3. Laisser le flux migratoire s’opérer de l’entreprise « mère » vers le nouvel organisme social, car cette startup inspire et attire ceux qui veulent passer du vieux monde au nouveau. Cela se fait de manière organique, ce qui veut dire lentement au début (du moins ça en donne l’impression), mais de manière exponentielle ensuite. Le vivant va plus vite que le développement linéaire.
Tout ce processus demande du courage, celui d’avancer dans l’inconnu. Cela permet de voir si les dirigeants ont réellement une volonté d’innover. Beaucoup en ont envie, mais très peu s’en donnent au bout du compte les moyens car ils désirent trop un monde prévisible et linéaire.
2/ Comment choisir les pionniers pour la transformation ?
Le mythe (la vision) permet d’attirer les bonnes personnes, celles qui veulent se lancer dans l’aventure et qui savent qu’il va falloir développer des talents et des qualités particulières. Ces personnes se trouvent pour certaines dans l’entreprise, pour d’autres ailleurs. Il faut ensuite passer un temps important à les entraîner, les préparer, exactement comme on le ferait pour des astronautes ou une équipe de sport qui va jouer le championnat du monde.
3/ Comment imaginer un monde sans argent ? En quoi l’argent est-il un frein ?
L’argent représente un frein, c’est l’effet Pareto. Voir ma conférence TEDx Paris « Après l’argent ». L’argent se concentre toujours dans les mains de quelques uns. Il y a une corrélation parfaite entre l’intelligence collective pyramidale, qui a besoin de concentration de pouvoir, avec l’argent qui, en se concentrant, soutient ce mécanisme.
Un monde sans argent ne veut pas dire un monde sans monnaie. La monnaie représente un langage pour tracer les flux, ces derniers pouvant représenter des échanges, des dons, des indicateurs de richesse (bio-diversité, empreinte carbone, bonheur…). Elle a donc un rôle d’équilibrage des systèmes vivants.
Un monde sans argent utilisera des millions de monnaies, certaines de manière automatique sans qu’on s’en rende même compte. Dans un monde sans argent — mais avec monnaies — on pourra par exemple construire des économies du don à grande échelle. Cela veut dire qu’on pourra donner ou recevoir sans que cela se passe nécessairement sur la base d’un échange « donnant-donnant ». Imaginez comment ça se passe dans une micro-communauté (famille, école, village…), où l’économie du don existe naturellement…